Emmanuel CHABRIER

Emmanuel CHABRIER

. 5 L.A.S. « Emmanuel » (une non signée), Karlsruhe, Vienne et Berlin [janvier-février 1888], à SA FEMME ALICE ; 10 pages in-8 (3 en-têtes) , une enveloppe (bas coupé dans la 2e). Lettres à sa femme pendant un voyage en Allemagne et à Vienne pour placer ses opéras. [Correspondance 88-4, 5, 19 et 23, la 4e inédite] Karlsruhe lundi [16 janvier]. « Hier, dimanche, à dîner (1 heure) le 2d chef d’orch. Bapt est venu. Après dîner, nous sommes allés chez un fabricant de pianos jouer les Pièces pittoresques et les Valses à 4 mains. – À 5 h., Van Dyck et moi arrivions chez le Baron de Pudlitz. Salon confortable, vieille noblesse de l’endroit et vieilles gens, parfaitement élevés du reste et fort affables. Du monde, car c’est l’heure de réception, des hommes graves, des militaires très corrects, des dames froides et des demoiselles un peu empalées. Le Baron vient à moi ; 70 à 75 ans facilement.. Nous sommes pour le moment dans WAGNER jusqu’au cou ; samedi, Rheingold, dimanche la Walkyrie ; puis, le Grand-Duc tient énormément à ce qu’on représente Le Partisan du Cte d’Osmond […] MOTTL se tord de rire en lisant ça ; enfin, comment faire pour Gwendoline ? Mottl, vous le savez, part au mois de juin pour Bayreuth... Mais si vous vouliez, au mois d’8bre ça irait très bien ; puis il faudrait que ce fût traduit... enfin, le théâtre n’est pas riche, la copie de la chorale, des parties d’orch., &a […] on s’arrangerait facilement avec mes éditeurs, tout aussi désireux que moi de voir ma pièce représentée à Karlsruhe, une des villes les plus hardiment artistiques d’Allemagne.[…] À 6 h., nous étions au théâtre ; ici, tout le monde paie ; pas un billet de faveur. J’ai vu la plus épouvantable opérette qu’il soit possible d’entendre ; c’est, comme musique, au-dessous de tout. Mais l’orch. et les chœurs sont excellents. […] À 8 h., au 3e acte, nous recevons un mot de Mottl qui nous invite pour 9 h. à souper (invite est une manière de parler ici, car chacun paie sa part) ; et nous écrit que Gwendoline est reçue et se joue en 8bre […] Au Café Bauer, nous causons de mon affaire, il me présente au 1er ténor qui jouera Armel, me fait ma distribution, Plank pour Harald (qui chante à Bayreuth), et Mlle Mailhac pour Gwendoline. C’est ce qu’il y a de mieux ici. Enfin c’est superbe. Puis on bavarde sur Gounod, Berlioz, Zola, Victor Hugo ; ces gens-là lisent tout »... – Lundi [16 janvier]. « Ce matin répétition du Rheingold. Orch. et chœurs excellents, – MOTTL absolument extraordinaire ; sachant toute sa partition par cœur, et avec ça, une simplicité, une tranquillité d’allures que je crois difficile d’égaler, impossible de dépasser. Nous avons entendu les interprètes présumés de Gwendoline. J’aurai pour Harald un homme 3 fois plus gros que Berardi mais il a une fort belle voix et son obésité n’est pas gênante pour le rôle. La femme très bien et le ténor convenable »… Etc. Vienne Jeudi [16 février]. « Arrivée, avec pas mal de neige, à Vienne, puis à l’hôtel ; bock bu dans un café d’en face, puis pieu ». Mme de Serres a organisé l’audition chez elle, avec Beledoni, le directeur du théâtre, et le chef d’orchestre Wilhelm Jahn… Visites et réceptions, soirée à l’Opéra… – Samedi [18 février]. Il a vu Hans RICHTER. « Le Roi malgré lui l’a enchanté, – d’autant plus qu’ils ont, ici, besoin d’op.-comique plus que d’opéra. […] Il est ravi, famös, disait-il. – Quelle gaieté, quelle originalité !... – Demain nous verrons Bezecsny, le directeur – mais, nous traiterons seulement de Paris, car ce monde-là a pas mal de tonneaux de bière à boire avant de prendre un parti »… Berlin 20 février. « Hier soir, nous avons pris place dans un bon wagon de 2de […] Nous avons suivi les bords de l’Elbe, tout à fait délicieux, et ça me rappelait la 2e partie de La Damnation de Faust, de Berlioz, que je chantonnais intérieurement. Les environs de Berlin sont plats comme de la musique de Salvayre. – Ça sent la grande ville »…