Artiste naïf de talent, Camille Bombois nourrit une réelle obsession pour le genre de l’autoportrait. Lors de l’exposition « Les Maîtres populaires de la réalité » de 1937, il présente une quarantaine d’œuvres, dont un autoportrait, qui marqueront le point de départ de la collection d’art naïf du musée de Grenoble. Cet autoportrait, comme celui que nous présentons à notre vente, reflète l’image que l’artiste souhaite donner lui ; de l’homme comme de l’artiste. Il s’agit ainsi d’une création qui dépeint la réalité de l’être mais également sa part d’imagination. Véritable modeleur de l’espace, les œuvres de Bombois comme Autoportrait se caractérisent par une abondance des formes et des volumes ronds, un trait dynamique et des jeux de perspective.
Bombois reprend un thème classique de l’histoire de l’art se représentant fidèlement et en train de poser. Il peint ainsi les traits les plus expressifs de son visage, ne gardant que l’essentiel à la lecture de l’œuvre. Il est vêtu de son emblématique costume noir, de sa cravate lavallière et de son chapeau bleu à couronne ronde. Son regard est fixé vers le loin, son air est sérieux et sa posture droite semblent traduire sa fierté quant à sa position d’artiste qu’il a pu parfaitement assumer à partir de 1924. L’arrière-plan se résume à un aplat de brun qui focalise l’attention du spectateur sur Bombois. La signature témoigne de cette forme de morgue puisque le peintre écrit « Peint par lui-même Bombois Clle ». En effet, pour ce fils de batelier, ancien valet de ferme, ancien lutteur de cirque et ex carreleur, rien ne le prédestinait à connaître le succès en tant qu’artiste. Autodidacte, il a su faire sa place dans ce cercle artistique du début du XXe siècle aux côtés de peintres comme Bauchant, Jean Eve, Rimbert, Henri Rousseau ou encore Séraphine Louis. Dans un entretien avec Boris Vian, Camille Bombois raconte le rôle déterminant que Florent Fels a joué dans son choix de se tourner totalement vers l’art :
« Oh, pas tout de suite. D’abord, il y a eu la guerre de 1914, et quand je suis revenu, j’étais bobinier de nuit à l’imprimerie 123 rue Montmartre. Je manipulais les bobines de 450 à 611 kilos. Là, on tirait l’Avant-Garde, l’Humanité, etc.. cette époque-là je dormais 4 heures sur 24, parce que je peignais dans la journée. Alors je m’endormais partout, dans le métro. Et au bout de sept ans d’imprimerie, j’ai connu Florent Fels. Il m’a dit: « Bombois, il faut quitter ta cotte et ta veste bleue et te consacrer à la peinture. Et tu verras que tu gagneras des sous ». […] Depuis, je peins régulièrement. Mais je ne bâche pas. Je mets tout de même deux mois à faire un tableau ».
Boris VIAN, Visite chez Camille Bombois, maître des poids et maître de la toile, 1952