[GAUGUIN (Paul), 1848-1903].

[GAUGUIN (Paul), 1848-1903].

Rare et précieux ensemble de documents relatifs aux premières ventes aux enchères de toiles de Gauguin : - 2 invitations imprimées à l'exposition du dimanche 22 février 1891 de 30 toiles mises en vente le lendemain : ""Monsieur Gauguin vous prie de lui faire l'honneur d'y assister"". Les dates (erronées) ont été corrigées à la main à l'encre brune pour 3 d'entre elles. L'exposition eut lieu dans la galerie Boussod et Valadon, dans laquelle travaillait Théo Van Gogh. - Catalogue d'une vente de 30 tableaux de Paul Gauguin. Préface par Octave Mirbeau. Paris, Grande Imprimerie, 1891. In-8 de 14 pp.-[1] f. bl., broché, couv. imprimée. La préface occupe les 12 premières pages avant la liste des tableaux sur 2 pp. - Vente de tableaux et dessins par Paul Gauguin Artiste Peintre. Hôtel des ventes, salle 7 le lundi 18 février 1895 à 3 heures précises. Me Sarrus commissaire-priseur […] M. Bernheim jeune, expert […] Catalogue in-8 de 10 pp., broché, couv. imprimée. Qqs petites usures sans gravité à la couverture (petits bouts de papier collés). La préface (qui occupe les 8 premières pages) est constituée d'une lettre d'August Strindberg du 1er février 1895 à Gauguin et de la réponse de ce dernier à la suite. La liste des 49 tableaux (dont les noms tahitiens sont accompagnés ici de leur traduction en français rédigée au crayon à la suite) occupe les pages 9 et 10. - une enveloppe manuscrite de Paul Gauguin adressée à [Émile] Schuffeneker artiste peintre 29 rue Boulard Paris, avec cachet de Saint-Pierre de la Martinique du 8 octobre 1887. ""À partir de 1883, quand il a cessé d’exercer comme agent de change, Paul Gauguin (1848-1903) a longtemps vécu d’expédients, reposant sur l’aide de soutiens d’amis comme Émile Schuffenecker. Mais quand l’envie incongrue lui prit de gagner Tahiti, il lui fallut trouver des fonds. […] Pour partir, poursuit son premier biographe [Jean de Rotonchamp], ""il fit le choix d’une trentaine de toiles des toiles de 30 pour la plupart , œuvres des dernières années, et prit le parti de les mettre en vente à l’hôtel Drouot"". […] Une semaine plus tôt, Octave Mirbeau l’avait annoncée dans L’Écho de Paris […] Un extrait fut publié au catalogue, suivi d’une simple liste de trente œuvres, dont seul le titre est fourni, sans descriptif. Si le numéro 2 mentionne la «Martinique», la plupart des paysages provenaient cependant de Bretagne. La vacation fut du reste l’occasion d’un incident avec la sœur d’Émile Bernard, Madeleine, qui lui reprocha son ingratitude. […] Mais le commissaire-priseur eut surtout à réprimer les accès de bonne humeur d’une salle acquise à l’artiste. […] Il y eut un seul invendu, le total se montant à 9 860 F, «somme qui constitua le plus clair du viatique que Gauguin emporta à Tahiti», écrit Rotonchamp. […] Le 4 avril 1891, quelques amis accompagneront Gauguin gare de Lyon pour son grand départ. En Polynésie, le pécule sera vite consommé, d’autant que le peintre ne regarde pas à la dépense. […] Le 30 août 1893, le revoilà débarquant à Marseille avec quatre francs en poche. […] Ne songeant qu’à repartir, il entend rééditer l’événement de Drouot. Cette vente, par Me François Sarrus, se déroulera le 28 février 1895. La préface, demandée à August Strindberg, est paradoxale puisque l’écrivain y explique qu’il ne peut accéder à cette demande : «Je ne peux pas saisir votre art et je ne puis pas l’aimer ; je n’ai aucune prise sur votre art, cette fois exclusivement tahitien.» Il souhaite quand même au peintre «bon voyage». Cette fois, un expert a été appelé Alexandre Bernheim , mais le catalogue, consistant en une liste de 49 numéros aux deux tiers des invendus chez Durand-Ruel , ainsi que des «dessins et gravures», sans autre précision, reste aussi laconique. Et les titres donnés en tahitien n’ont pas dû l’aider. Ce choix aurait pu fort bien être la volonté de Gauguin, tant il correspond à son caractère. La presse peine à comprendre son attirance pour ces Indigènes à la peau cuivrée et leur incompréhensible jargon. […] La littérature a toujours retenu que le peintre n’avait vendu que neuf tableaux […] Selon le compte rendu publié par la Gazette, 21 ont trouvé preneur, pour un peu plus de 8 000 F. […] Pour la spécialiste Belinda Thomson, l’artiste, dont la cote est loin d’atteindre celle des impressionnistes, «conçut certainement de l’amertume pour ce qu’il vécut comme un échec, même s’il dut être réconforté par l’appui que continuèrent à lui prodiguer des proches comme Degas». […] Gauguin essaiera en vain de réunir un cercle d’amateurs capables de le soutenir régulièrement. Le 9 décembre 1898, reparti dans les îles, il se plaint que Vollard, auquel il destine neuf toiles, soit le seul encore prêt à «le soutenir dans sa solitude». […]"" Vincent Noce, ""Gauguin, heurs et malheurs à Drouot"", Gazette de l'Hôtel Drouot, 1er décembre 2017."