Emmanuel CHABRIER

Emmanuel CHABRIER

. 8 L.A.S., 1884-1893, à Charles LAMOUREUX ; 17 pages la plupart in-8. Belle correspondance à son ami chef d’orchestre. [Charles LAMOUREUX (1834-1899) créa et dirigea de nombreuses œuvres de Chabrier, qui fut son assistant. Lamoureux créa notamment la scène lyrique La Sulamite, le 15 mars 1885, avec la cantatrice Marie-Hélène Brunet-Lafleur, qui deviendra sa femme. Correspondance 84-35, 86-35, 88-27, 92-11, 93-17, 18, 26 et 40.] [La Membrolle] 22 septembre 1884. « Décidément, vieux camarade, j’ai besoin de rentrer dans la fournaise ; trop d’air ici : plus d’églogues, foin des Géorgiques, à bas Virgile ! les champs m’embêtent. […] La Sulamite est toujours en détresse, là, tout près de la gare d’arrivée : je n’ai pas de goût à terminer ça sans avoir vu – après quoi ça ira vite – 20 pages d’orch., mettons 30, et qui fileront un train d’enfer, car ces femmes sont assez excitées à ce moment-là. Bref, ma femme trouve que je grogne et elle a raison. C’est le moment de décaniller et je compte cingler vers Paris avec tout mon baluchon le jeudi 2 […] J’apprends que les concerts commencent le 19 : vous devez être jusqu’au chignon dans vos classements de chœurs, orchestre, etc. »… Bruxelles 4 avril 1886, avant la création de Gwendoline à la Monnaie (10 avril), pour laquelle il compte sur la présence de Lamoureux : « je ne trouve que du bon vouloir sur toute la ligne et l’on est emballé sur ma petite affaire, bien qu’il y ait un rude coton ! – vous verrez l’ouverture ! – C’est chez vous qu’il me la faut, mon camarade ! C’est curieux de voir tout ce monde se démener là-dedans ! l’orchestre en fume ! »… Joseph DUPONT (chef d’orchestre de la Monnaie) « a dit hier, après le 1er ensemble (chœurs, soli, orch. & mise en scène) en plein orchestre & devant tout le monde, c’est de la rude et fière musique, pleine de jus, pleine de viande »… Berlin 21 février 1888. « Mon vieux camarade ne m’a pas oublié et joue jeudi cette excellente España ! Nous venons de lire ça, Enoch et moi, dans le Figaro, en prenant ce cher café. Merci mille fois ! – Après Carlsruhe, où nous avons passé la journée de l’autre lundi pour hurler Gwendoline aux artistes (MOTTL suivait sur la partition d’orch.) le lendemain nous arrivions à Vienne à 10 h. du soir […] j’ai fait entendre à RICHTER le mercredi Gwendoline, le jeudi Le Roi malgré lui ; il a paru très satisfait – même mieux... Je crois que Le Roi fera leur affaire, car ici ils manquent d’op.-com. »… Il donne le programme de la semaine de l’Opéra de Vienne… « On donne aussi du WAGNER, mais à petite dose. […] Ici, je vais avoir une audition de mes deux ouvrages, item à Cologne où nous sommes annoncés – et à Paris dimanche ou lundi. En somme nous faisons une tournée fort utile, nous nous créons des relations. C’est, je crois, ainsi qu’il faut procéder »… [La Membrolle] 23 janvier 1892. Il recommande Xavier LEROUX, « le jeune et beau Leroux auquel je m’intéresse vivement et qui, je crois, doit, lundi matin, vous faire entendre une fulgurante ouverture. C’est un garçon très avancé, très modeste et fort difficile pour lui et qui connaît son affaire. […] c’est un ardent et un travailleur »…. [Paris] 15 avril 1893. Au sujet d’une démarche au ministère de l’Intérieur en faveur de Lamoureux, et au sujet de sa propre retraite. « Mon désir est de me remettre à Briséïs le plus tôt possible ; vous voyez que je ne donnerai pas beaucoup de besogne au ministère ! Si on pouvait faire fléchir la loi ! Ah ! nom de Dieu ! ça serait-t-y chic ! Bref, j’ai beaucoup à faire avec l’Opéra ! Je veux aussi gagner qlq braise ! »… – 19 mars [pour avril] 1893. « Comment donc, si nous viendrons ! chers amis ! mais en dansant à l’Allemande s’il vous plaît ! » avec une ligne de musique marquée mt de valse et con languidezza ! – 14 mai 1893. Au sujet de la pétition en faveur de Lamoureux, à laquelle il a travaillé en vain avec d’Indy. « Tâchez donc, aujourd’hui, après votre déjeuner, de faire très carrément votre pétition vous-même ! Dites en phrases très brèves, tout ce que vous avez fait, y compris la débâcle de Loyengrin, les concerts de Haendel, Ève de Massenet, le Chant de la cloche à l’époque de l’Eden, votre Société de quatuors, vos débuts au Château d’Eau, Tristan, Reyer, d’Indy, moi, Bizet, Hillemacher. Comme il faut que votre pétition ait le caractère d’avoir été faite par nous, ne vous gênez pas, collez-vous de beaux adjectifs, ceux que vous méritez »… La Membrolle 3 août 1893. Sur Gwendoline à l’Opéra :« Vous me demandez des nouvelles de l’Opéra ; je ne sais pas trop au juste ce qui s’y passe. Il y a quinze jours que nous sommes ici, tous les quatre, chez la grand’mère, très dorlotés, nous resterons encore quelques jours. Quand j’ai quitté Paris, les chœurs étaient presque sus. Les deux femmes qui chanteront à tour de rôle Gwendoline me plaisent également ; l’une est blonde, l’autre brune, toutes deux très grandes, de belles voix ; Berthet a de grandes qualités, elle chante avec beaucoup de charme, prononce très distinctement le texte, on ne perd pas une syllabe des beaux vers de Catulle Mendès ; et avec ça une voix grasse, heureuse, caressante. Très jolie, belles dents, bref je crois qu’elle aura un grand succès. L’autre, la brune, Mlle Marcy, faisait partie des chœurs des Walkyries. […] Sa voix vibre magnifiquement ; elle est splendide dans la Légende et dans les dernières scènes du second acte ». Puis il parle des autres chanteurs. « J’avais formé un rêve, mon cher ami, c’était de vous voir conduire mon œuvre. Mais hélas ! ce serait une révolution dans cette boîte si j’en formulais la demande, ou si vous la faisiez vous-même. Espérons que l’orchestre y mettra de la bonne volonté. Le Quatuor aura besoin de renouveler les cordes de leurs instruments ; quand ils seront à déchiffrer l’ouverture, et à graisser les archets avec de la bonne colophane, ils auront du coton »…. On joint une petite l.a.s. de Charles LAMOUREUX aux Chabrier.