Feuillet de coran enluminé sur parchemin

L'exceptionnel manuscrit dont provient ce feuillet illustre parfaitement les progrès récents de l'histoire des corans des premiers siècles. Le renouveau que traverse cette discipline est largement passé par l'établissement d'une classification des styles de graphie dits "kufiques", qui offre un cadre de référence pour appréhender les manuscrits les uns par rapport aux autres. Si elle s'avère remarquablement performante, l'étude des écritures ne saurait toutefois rendre raison à elle seule de toutes les situations, comme c'est le cas dans notre exemple : il s'agit d'un des rares corans d'une telle qualité à ne s'inscrire clairement dans aucun des types définis par cette classification graphique. L'approche en premier lieu paléographique des corans anciens a néanmoins permis de mieux en comprendre les autres aspects matériels, et dans le cas présent plusieurs indices peuvent nous renseigner sur son origine, tels que l'élongation de ses lettres et ligatures horizontales, l'utilisation d'une règle pour les tracés horizontaux et de deux traits verticaux à la mine pour la justification, certains choix de vocalisation comme l'usage d'un point jaune pour hamza, la notation des groupes de soixante versets ou encore le tracé essentiellement à l'or et en réserve des motifs ornementaux. Ces divers aspects du manuscrits sont ici autant d'éléments qui permettent de formuler l'hypothèse d'une production en Afrique du Nord ou en Andalousie, vers la fin du IXe ou le début du Xe siècle.