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Jean-Michel FRANK- 1893-1941

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"L’invisible de la véritable élégance"[1]

 

Jean-Michel Frank né à Paris le 28 février 1895, d’une mère fille de Rabin et d’un père banquier juif allemand. D’une personnalité taciturne et fugueuse, il grandit dans la bourgeoisie de l’Avenue Kléber. La Première Guerre mondiale lui prendra successivement ses deux frères et son père, qui se suicide en 1915 suite au refus de sa demande de naturalisation. Il perd ensuite sa mère en 1919, et se retrouve à la tête d’une petite fortune. Le jeune homme voyage alors dans le monde entier et fréquente la société artistique et mondaine de l’époque, au sein de laquelle il se fait des amis pour qui il s’improvise décorateur. En 1921, il aménage la garçonnière de Pierre Drieu La Rochelle avec une nudité radicale qui annonce déjà les canons de son style minimaliste : murs blancs, quelques meubles et un unique vase cubique en verre.  Puis, en 1924, Jean Michel Frank s’installe rue de Verneuil et fait de la décoration de son appartement un véritable manifeste de son style. Il met à nu les espaces (notamment en décapant les lambris XVIIIe) et leur confère des proportions singulières où s’exprime un mélange de matières luxueuses avec d’autres, plus brutes et inusitées. Parmi elles, la plus marquante est la paille que Jean-Michel Frank détourne à une échelle démesurée, de la tabletterie à la décoration intérieure, pour tapisser en motifs rayonnants le plafond et les murs de son fumoir. Le mobilier occupant ces espaces est quant à lui réduit au strict minimum, à tel point que Jean Cocteau aurait dit[2] en quittant l’appartement de Frank : 

"Charmant jeune homme ; dommage que les voleurs lui aient tout pris".

Cet aménagement radical lui permet d’apparaître dans la presse spécialisée et, par suite, il réalise une quinzaine de chantiers pour des clients fortunés, épris de radicalité et en quête de décors unique éloignés des répétitions et de certaines outrances de l’Art déco. Ainsi des deux pièces aux murs gainés de parchemin et du salon marqueté de paille dans l’hôtel du couple De Noailles[3] en 1926, de l’appartement d’Elsa Schiaparelli en 1927 ou du penthouse de Templeton Crocker à San Francisco en 1929. Au gré de ses aménagements d’intérieurs, Jean Michel Frank refuse systématiquement l’affectation décorative. Des harmonies sobres et subtiles de brun, de beige et de blanc rythment ses espaces où rien ne brille, où la matière est mate et jamais n’offense par son éclat. Frank va jusqu’à faire subir des traitements "d’appauvrissement" aux matières pour servir son esprit d’ascèse. Il sable et céruse les bois qu’il travaille à la gouge ou à l’herminette et ne les vernira jamais. Il patine les bronzes. Il réduit les meubles à des formes rectilignes dont il rend charnières et montages invisibles. Les espaces sont ainsi vidés de tout superflu, en des décors où ne subsistent que les meubles véritablement utiles à la vie de tous les jours. C’est "un étrange luxe du rien" selon la formule de François Mauriac[4], qui confia en 1931 la décoration de son appartement parisien à Jean-Michel Frank et décrivit ainsi son nouvel intérieur tel que pensé par l’artiste : 

"rien sur les murs, rien sur les meubles ; pas de couleurs, hors le blanc et le beige. Aucune faute de goût ne semble plus à craindre : c’est l’esthétique de la sécurité dans le renoncement"[5].

En 1930, Frank s’associe avec Adolphe Chanaux (qui a alors déjà travaillé pour André Groult et Jacques Emile Ruhlman).  De cette collaboration naît une gamme de meubles et de luminaires aux formes minimalistes et d’une grande originalité dans le choix des matériaux où la paille, la toile de jute ou l’ardoise côtoient le bronze, le bois ou le galuchat. Le style de Frank s’adoucit alors, et le décorateur réunit autour de lui des talents à qui il avait déjà commandé quelques créations : Serge Roche, Emilio Terry, et Alberto et Diego Giacometti pour le travail du plâtre, les selleries Hermès pour le cuir ou Christian Bérard pour les tapis.  Les objets fabriqués par Frank et Chanaux sont conçus pour être reproductibles, suivant leur succès commercial. C’est ainsi que l’on retrouve un certain nombre d’entre eux dans les différents aménagements orchestrés par  Frank et ses confrères. Cette collaboration artistique se révèle aux yeux de l’élite parisienne en 1935 avec l’ouverture d’un magasin situé au 140 de la Rue du Faubourg Saint Honoré.  La boutique Frank et Chanaux se voit confier la même année l’aménagement de l’appartement de Jean-Pierre Guerlain, de sa boutique de parfumerie place Vendôme et de son institut de beauté des Champs-Elysées. En 1936, ils décorent la luxueuse villa de Raymond Patenôtre à Nice et l’appartement de Claire Artaud. En 1938, une salle à manger pour Nelson Rockefeller, à New York.

En 1939, c’est encore la guerre qui bouleverse le destin de Frank quand les ateliers Chanaux ferment définitivement leurs portes avec la déclaration de guerre. Par suite, il quitte la France pour l’Argentine en juillet 1940, fuyant l’Europe en guerre pour reprendre là-bas ses activités de décorateur. Après quelques mois à Buenos Aires, il part pour New York où, fatigué de subir les ostracismes de son siècle, il se donne la mort le 8 mars 1941. Cette fin tragique appelle une citation du roman Silbermann[6] dont le personnage éponyme inspiré de Frank souligne le caractère spleenétique de l’artiste : 

"sa voix était basse et entrecoupée ; elle semblait monter des régions secrètes et douloureuses ; j’entrevis chez cet être si différent des autres une détresse intime, persistante, inguérissable, analogue à celle d’un orphelin ou d’un infirme".

Au cours d’une carrière fulgurante et d’une vie aussi paradoxale que mystérieuse, Jean Michel Frank aura inventé "une ruineuse pauvreté et cette étrange indigence qui n'est pas à la portée de toutes les bourses"[7]. A contrepied des codes de sa discipline, son style son esprit d’ascèse et de dépouillement volontaire font survivre une dimension proche du Zen dans la décoration intérieure. On approche en effet avec Frank de l’idée du "Wabi Sabi " : le "Wabi" renvoyant à la simplicité et le "Sabi" au goût pour les objets patinés comme une acceptation du temps qui passe. Dans la philosophie Zen comme chez Jean-Michel Frank, notre intérieur est le reflet de notre état d'esprit. Prendre des distances avec le monde matériel devient alors vecteur de tranquillité et permet à l’intérieur épuré de devenir "le dernier refuge des âmes complexes"[8].

 


[1] selon les mots de Jean Cocteau dans l’hommage posthume Adieu à Jean-Michel qu’il rédige en 1945.

[2] si l'on en croit Anca Visdei in Alberto Giacometti, ascèse et passion, Odile Jacb éditions, 2019

[3] dans un entretien en 1973 "Le musée imaginaire" pour le magazine Vogue, Yves Saint Laurent évoquant l’endroit parlera du grand fumoir des Noailles comme de la "huitième merveille du monde".

[4]  in Art et Médecine du mois d’Octobre 1932, pages 36 à 40.

[5] Ibid.

[6] Jacques de Lacretelle, éditions Gallimard, 1922

[7] François Mauriac in Art et Médecine, op. cit

[8] suivant la formule d’Oscar Wilde dans  Le Portrait de Dorian Gray (The Picture of Dorian Gray), 1890.

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Nos résultats de ventes “Jean-Michel FRANK”

Adjugé à 1 500 €

Vendu le 2014/12/03

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