Un joli hasard
Lorsque Lydie Lachenal vient solliciter le département MILLON- Ecole de Paris pour vendre un portrait de sa mère réalisé par son père, le peintre Léon Weissberg (1897-1943), elle n’imaginait pas que l’organisation de la vente deviendrait une célébration… et les équipes MILLON non plus.
La vente Ecole de Paris a été programmée le 24 octobre prochain, date de l’anniversaire de la « femme à la tresse » (lot 65), Marie Warszawski (du nom de son second mari). Un hasard du calendrier, mais « le hasard porte quelquefois en avant ceux que la modestie retient en arrière » (Louis Pasteur).
Pour compléter cet hommage involontaire, nous publions les lignes écrites avec émotion par sa fille lorsqu’elle apprit la coïncidence.
« Depuis que je suis née, le 24 octobre est l'anniversaire de ma mère, née ce jour à l'automne 1900. Le hasard a placé, à la date de son prochain anniversaire le 24 octobre 2023, une vente de peintures où figure une œuvre de mon père qui la représente jeune l'année de leur mariage, "Femme à la tresse" par Léon Weissberg, Paris 1927.
Un pur hasard et une coïncidence parfaite.
Pour compléter cet hommage involontaire et honorer la personnalité de ma mère comme elle le mérite, je joins l'autre photo, celle qui avec ses coups de tampon provient du passeport établi au consulat français de Rome en 1945, que j'ai placée en couverture de son bref mémoire resté inédit cinquante trois ans, édité par mes soins sans aucune retouche: "L'arrestation, la déportation, Journal de Rome, texte intégral", Lachenal & Ritter, Paris 1998, repris par les Éditions Gallimard.
Un avertissement rappelle l'importance historique du texte, écrit par elle à Rome en 1944 et 1945, après avoir été évacuée de France et déportée en Italie en septembre 1943 avec son second mari l'écrivain Oser Warszawski, dit Var, et des milliers d'autres réfugiés, par les forces d'Occupation italiennes en retraite. L'Italie occupée, après avoir libéré ses réfugiés dans Rome "ville ouverte", va les arrêter, les interner et les livrer aux Allemands qui les déporteront aussitôt dans divers camps d'Italie, à Dachau et à Auschwitz comme le fut Warszawski, qui fut abattu par balles le 10 octobre 1944.
Restée seule en plein centre-ville, dans la clandestinité où elle s'efforçait de survivre ma mère va écrire un mémoire de quelques 30 pages intitulé Journal de Rome, que je découvrirai cinquante ans plus tard, à sa mort, dans un tiroir.
Je regarde sa photo d'alors et j'admire son port de tête. Elle survivait fièrement, mais sa vie a été brisée à jamais. » Lydie Lachenal