Marie-Thérèse Rodet, Madame GEOFFRIN

Marie-Thérèse Rodet, Madame GEOFFRIN

(1699-1777) femme de lettres et amie des philosophes, elle eut un des salons les plus célèbres de son époque. L.A., 29 juillet 1767, à MARMONTEL « de l’académie françoise, aux eaux d’Aix la Chapelle » ; 2 pages et demie in-4, adresse. Rare et très belle lettre amicale à MARMONTEL, notamment à propos de son roman philosophique Bélisaire qu’elle a détesté. Elle déplore d’abord, d’une amusante façon, les ennuis dentaires de Mme Marmontel : « Je suis très étonnée qu’une bête fluction – car de toutes les incommodités, c’est la plus bête – elle vient, et san va, sans que l’on sache pourquois […] je suis tres etonnée qu’elle se soit avisée d’approcher des plus belles dents qui ayent étée, qui sont, et qui seront jamais. Non seulement elles sont délicieuse a voir, dans le séjour qu’elles habitent, mais elles sont un monument qui doit passer à la postérité », etc… Elle embrasse « cette belle dame qui possède ce précieux bijou, mais vraiment mon voisin vous devené aussi un espece de bijou. On va dire, les princes et princesses l’ont vu et admiré, et on dira tout de suitte, c’est tant mieux pour eux »… À la lecture de sa dernière lettre, elle se rengorge en s’appliquant « le proverbe qui dit, que bonne renommée, vaux mieux que ceinture dorée. Vous savés mon voisin que je ne suis dorée, ni en dedans, ni en dehors. Mon âme et mon esprit sont d’un joli petit gris, blanc, comme mes robes. Mais je dis – et moi aussi j’ay des amis. Et je les mérite par les sentiments que j’ay pour eux. Se sont ces sentiments qui me font haire Belisaire, mais haire a la mort. Rien ne pouroit m’obliger a le relire. Se que je vous dis la tout naturellement est un furieux contraste avec tout se que le prince et la princesse [le futur tsar Paul Ier et sa femme Sophie-Dorothée de Wurtemberg, Maria Feodorovna] vous en ont dit, et se que l’impératrice [CATHERINE II] de Russie vous en a écrit, et le Wansvittem [Gottfried van SWIETEN] »… Le portrait que fait Marmontel de la princesse héréditaire l’enchante : « On me l’avoit dit fort laide et encore plus maussade, et quant conséquance le prince ne la pouvoit pas soufrire. Si au contraire elle est telle que vous me le dite, ils seront heureux ensemble, et renderonts heureux leur enfans… se qui est le comble du Bonheur »… Elle évoque pour finir diverses personnes qui sont aux eaux et qu’elle charge Marmontel de saluer pour elle : la marquise de Rochechouart, l’archevêque de Cambrai (Mgr de Choiseul-Stainville), les seigneurs polonais Rzewuski…