EINSTEIN Albert (1879-1955).

EINSTEIN Albert (1879-1955).

Intéressante, émouvante et amusante lettre tapuscrite signée "A. Einstein", Berlin, 5 novembre [19]19, 1 p. in-4 adressée au professeur Jean PERRIN (1870-1942, prix Nobel de Physique 1926, sous-secrétaire d’état à la recherche scientifique du gouvernement Blum en 1936, créateur du Palais de la Découverte à Paris, fondateur du C.N.R.S., enterré au Panthéon), en français, avec plusieurs corrections autographes et une amusante mention autographe en bas de la lettre à côté d'une tâche d'encre "goutte de sueur de la rédaction". Après un premier paragraphe dans lequel il exprime ses doutes quant à l'opinion de Perrin sur l'importance primaire de la radiation pour toutes les réactions chimiques, il prie son correspondant de faire quelque chose en faveur d'un jeune géologue, parent de ses cousins, alors prisonnier de guerre au camp de Charleville, et termine sa lettre en lui adressant ses amitiés ainsi qu'à Paul LANGEVIN et Marie CURIE. "Cher Perrin ! J'ai reçu vos separatas et je vous remercie cordialement. Votre opinion de l'importance primaire de la radiation pour toutes les réactions chimiques me semble encore douteuse, même s'il était sûr (ce que n'était pas le cas) que les réactions du type J² - J+J soient du premier ordre. Il serait possible par exemple que les molécules J² dont l'énergie intérieure surpasse une certaine limite se décomposeraient conformément aux corps radioactifs. Encore une prière. Un des parents d'un des mes cousins - géologue - se trouve comme prisonier[sic] de guerre en France. Sa mère (veuve) ayant perdu à la guerre son autre fils, est en la plus grande peine de son seul fils, parce qu'il avait essayé de s'enfuir depuis plusieurs fois. Elle tremble à la pensée que l'homme - par ses essays[sic] de fuite d'autrefois dans une situation très difficile - pourrait essayer à fuir[sic] de nouvau[sic] et être fusilé[sic]. Est-ce que ce n'était pas possible de faire quelque chose en faveur de ce jeune savant ? L'adresse : Pionier August Moos Comp. de p. d. g. nr. 913 Charleville (Ardennes). Avec beaucoup d'amitiés pour vous, monsieur Langevin et Mdme. Curie. Tout le vôtre A. Einstein" Cousin éloigné d'Albert Einstein, le géologue August Moos se porta volontaire dans l'infanterie au début de la Première Guerre Mondial en 1914. Fait prisonnier en 1915 et suite à plusieurs tentatives d'évasion entre 1917 et 1919, il écopa d'une peine de prison qui empêcha sa libération après l'armistice de 1918. Sa mère demanda de l'aide à Albert Einstein, qui en demanda à son tour à son ami Jean Perrin ainsi qu'au député et futur ministre Paul Painlevé. Moos fut finalement libéré en février 1920. Son frère Theodor, lieutenant, était tombé au front le 27 mai 1918. August Moos continua sa carrière de géologue pétrolier dans l'entre deux-guerres avant d'être déporté, du fait de ses origines juives, au camp de Buchenwald où il trouvera la mort en décembre 1944 ou janvier 1945. Cette lettre fut dactylographiée la veille du compte-rendu officiel de l'expédition d'Eddington confirmant la théorie de la relativité générale d'Einstein, devant la Royal Society de Londres qui érigea Einstein immédiatement au rang de Newton et lui offrit alors une renommée scientifique et populaire internationale, favorisée par le contexte d’après guerre dans lequel une théorie d’un savant allemand se vit vérifiée par un astronome anglais. Lot expertisé par Mme Elvire Poulain-Marquis (elvirepoulain@gmail.com).