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René Jules LALIQUE- 1860-1945

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"Cet artiste si délicat, qui semble traiter le verre comme il traitait jadis les métaux précieux, avec la finesse d'un joaillier, d'un ciseleur et d'un émailleur"[1]

 

Né en avril 1860 dans le département de la Marne, René Jules Lalique grandit à Paris où sa famille déménage peu de temps après sa naissance. Là, il débute à l’âge de 16 ans comme apprenti auprès du joaillier Louis Aucoc, suit les cours du soir à l’école des Arts décoratifs de Paris, puis travers la Manche pour étudier au Sydenham Art College de Londres en 1878. De retour en France, il s’installe à son compte et dessine à partir de 1882 pour plusieurs grandes maisons de joaillerie parisiennes. Puis, et alors qu’il n’a que 25 ans, René Lalique reprend l’atelier du joaillier Jules Destapes et y développe une conception nouvelle du bijou en usant de matériaux dit "pauvres" comme l’ivoire, les pierres semi-précieuses, la corne, l’émail et le verre (en lieu et place des diamants et pierres précieuses). Ces créations avant-gardistes séduisent nombres de mondains, d’artistes et d’intellectuels et Lalique se verra (notamment) commander des parures de scène pour Sarah Bernhardt. Il se liera également d’amitié avec le collectionneur Calouste Gulbenkian qui lui commandera cent cinquante bijoux et objets d’art entre 1895 et 1905.

En 1900, l’Art Nouveau et René Lalique triomphent à l’Exposition universelle de Paris. La critique est laudative à l’image d’Emile Gallé qui écrit[2] à propos de l’artiste qu’il possède "joliesse des métiers, virtuosité amoureuse, talentueuse passion des matériaux aimables, entente des colorations, sens des exquises musiques". Peut-être le maître Nancéen avait-il pressenti la nouvelle voie artistique qu’explorait déjà René Lalique et qui rejoignait la sienne : la verrerie.  Dès 1890 en effet, Lalique commence à expérimenter l’art du verre où il trouve le médium idoine pour traduire le foisonnement de ses idées. L’artiste y expérimente sans relâche et les techniques nouvelles qu’il développe nourrissent toujours plus son imagination. Lalique deviendra ainsi le père d’une production verrière d’une rare qualité plastique, où le verre s’invente dépoli, mat ou patiné tandis qu’il en expérimente tous les effets de transparence, d’opacité ou d’opalescence.

Sa rencontre avec le parfumeur François Coty en 1907 est décisive, René Lalique se dirigeant vers une production industrielle pour répondre aux commandes de son nouveau commanditaire. Ce faisant, l’artiste demeure toutefois fidèle à l’esprit de l’Art Nouveau en cherchant à concilier Art et industrie pour permettre au plus grand nombre d’accéder à ses créations. 

"Le peuple est le réservoir de l’art à venir ; c’est lui qu’il faudrait initier, au lieu de le gaver d’horreurs qui le dévoient. Il faut mettre à sa portée des modèles qui éduqueront son œil, il faut vulgariser la notion esthétique. Les objets d’art coûtent trop cher. Changeons ça !"[3]

Lalique loue en 1909 la verrerie de Combs-la-Ville, qu’il achète quatre ans plus tard et où il termine sa transition artistique en se consacrant au seul art du verre. Pour marquer solennellement cette nouvelle orientation de son entreprise, Lalique organise à paris en décembre 1912 une exposition entièrement dédiée à sa production de verreries. Le succès restant au rendez-vous au lendemain de la Première Guerre mondiale, celui qui "sans cesser d’être un artiste est devenu un industriel"[4] fait construire à Wingen-sur-Moder la Verrerie d’Alsace, où il débute en 1921 une production d’objets usuels destinés à inscrire le luxe et l'esthétisme dans le quotidien : vases, coupes, chandeliers, bouchons de radiateurs (…)

A l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de Paris, en 1925, Lalique expose les réalisations issues de cette approche nouvelle, aux motifs plus épurés mais dont les sources d’inspiration demeurent la Nature et les femmes. Sa vision continue à séduire et l’artiste répondra à l’envie à des projets éclectiques comme la décoration des wagons-restaurants de l'Orient Express (1929), de la salle à manger des premières classes du paquebot Normandie (1936), ou à la réalisation d’œuvres d’art sacré comme les vitraux de l’Eglise Saint-Nicaise à Reims. À l’étranger, il réalise (notamment) les portes d’entrée de la résidence du Prince Asaka Yasuhiko (l’actuel Palais Teien de Tokyo).

La première rétrospective dédiée à Lalique est organisée au Musée des Arts Décoratifs de Paris, en 1933 et l’artiste continue à créer sans relâche jusqu’à la mise sous séquestre par l’armée allemande de son usine de Wingen-sur-Moder, en 1940. René Lalique s’éteint le 1er mai 1945 à l’âge de 85 ans sans l’avoir vu redémarrer. A propos de son ami disparu le collectionneur et mécène Calouste Gulbenkian déclarera : "Au regret d'avoir perdu un ami très cher s'ajoute la peine infinie que nous éprouvons toujours devant la disparition d'un grand homme. Sa place est parmi les plus grands dans l'Histoire de l'Art de tous les temps et sa maîtrise si personnelle et son exquise imagination feront l'admiration des élites futures."[5]

 


[1] Gabriel Henriot in "La Dixième Exposition des Artisans Français Contemporains", Mobilier et décoration : revue française des arts décoratifs appliqués, décembre 1927, page 19.

[2] in "La Gazette des Beaux-Arts" n° XVIII, 1897, page 248

[3] René Lalique cité par Véronique Brumm in "René Lalique l'Européen : génie du verre, magie du cristal", Villa Europe n°4, Universitätsverlag Saarbrücken, Villa Europa n°4, 2013

[4] ainsi que l’écrira le critique d’art Gabriel Mourey in "Catalogue des verreries de René Lalique", éditions René Lalique & Cie., Paris, 1980

[5] in Maria Fernanda Passos Leite : "René Lalique au Musée Calouste Gulbenkian", Skira éditions, 2009

 

 

Oeuvres de René Jules LALIQUE 

La maison de ventes aux enchères MILLON vend régulièrement des œuvres de verre de René Jules Lalique. Florian Douceron, clerc spécialiste du département département Arts Décoratifs du XXe siècle, vous décrypte quelques œuvres phares de l'artiste :

 

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René LALIQUE : "Bacchantes", vase en verre moulé-pressé teinté jaune adjugée 18 000 euros lors de la vente aux enchères "Masters" organisée par le département Arts Décoratifs du XXe siècle

 

"Je me livre à vous, bacchantes ! […] Hurlez, dansez, tordez-vous ! Déliez le tigre et l’esclave ! à dents féroces, mordez la chair ! "[1]

 

Compagne dans l’ivresse d’Eros et de Thanatos, la figure polymorphe de la bacchante s’impose aux XIXe et XXe siècles comme la muse licencieuse d’un art moderne et moins pudique. Figure sensuelle et sexualisée, elle devient l’allégorie de la femme que les artistes (essentiellement masculins) transforment en objet de désir par leur regard sur la nudité féminine. Manipulée, cambrée, possédée, la bacchante devient l’incarnation d’une époque tiraillée entre norme et transgression.

Homme de son temps, René Lalique n’aura pas échappé à la troublante sensualité des jeunes prêtresses de Bacchus dont il interprète la splendeur insolente dans son vase "Bacchante" créé le 22 Juillet 1927. Habillé d’une ronde de nus féminins sculpturaux et aux courbes voluptueuses, ce vase s’impose à nous en parangon du style Lalique où le verre satiné évoque la douceur d’une peau à laquelle les jeux de lumière insufflent vie et mouvement. Eminemment érotique, la scène prisonnière dans le verre fait écho à cet anathème[2] selon lequel "rien n'est plus dangereux qu'une femme qui danse". Ce faisant, le vase "Bacchante" incarne l’éternelle obsession pour les femmes, le plaisir, la musique et la danse.

"Vous ne seriez pas trop effrayé, si à minuit, au milieu de la solitude d’une forêt, la magnifique et fantasque apparition d’une marche triomphale de Bacchus se présentait tout à coup à vos regards, et que vous entendissiez le vacarme de cette cohue de spectres en goguettes. Tout au plus éprouveriez-vous une espèce de saisissement voluptueux, un frisson esthétique, à l’aspect de ces gracieux fantômes sortis de leurs sarcophages séculaires et de dessous les ruines de leurs temples pour célébrer encore une fois les saints mystères du culte des plaisirs ! "[3] 

 


[1] Gustave Flaubert in La Tentation de saint Antoine, 1874.

[2] prononcé par le juge dans le film Les Sorcières d'Akelarre ("Akelarre") de Pablo Agüero, 2021.

[3] Heinrich Heine in Les Dieux en exil, Bruxelles, Lebègue, 1853.

 

 

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"Un beau noir, ça s’obtient d’un coup (…) il ne faut pas y revenir."[1]

 

Aimant les contrastes – dont elle usa à merveille dans ses créations textiles où les fils métalliques répondent aux couleurs sombres - Suzanne Lalique use ici d’un émaillage noir profond pour construire le décor de ce vase.

L’émail sert alors de couche intermédiaire pour figurer le lustre des feuilles d’agrume qui accrochent ou rejettent la lumière selon leur inclinaison. En relief par rapport à ce fond résolument saturé d’aplats noirs, les corps sphériques des fruits se détachent d’autant plus que la matière satinée qui les compose réagit différemment à la lumière, comme à l’état de nature où les rayons solaires sont plus ou moins absorbés par les reliefs qu’on leur oppose. Marquée par la géométrie de l’Art Déco, ce vase "Oranges" présente ainsi un décor très contemporain, dont le subtil enchevêtrement de fruits et de feuilles semble tout droit sorti d’un tableau d’Henri Rousseau.

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Ce rapport à l’émail noir comme vecteur de contraste propre à souligner une forme ou un détail dirige également aux décors des vases "Nanking", "Nimroud", "Lagamar", "Tourbillons" (aussi appelé "Volutes") ou "Koudour", que l’artiste créés entre 1925 et 1926.

Sensible et délicate, la manière de Suzanne Lalique s’affirme particulièrement dans ces créations verrière où elle " rend à l’objet usuel sa vertu"[2].

 


[1] Suzanne Lalique telle que citée en page 7 du communiqué de presse pour l’exposition "Suzanne Lalique-Haviland, le décor réinventé", 13 Juillet - 11 Novembre 2012, Musée Lalique, Wingen-sur-Moder.

[2] in "L’exposition de Mlle Suzanne Lalique", Femina, 1er février 1931.

 

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René LALIQUE : "Vendôme", lustre en verre blanc moulé pressé et soufflé moulé, adjugée 36 000 euros lors de la vente aux enchères "Masters" organisée le 4 ovembre 2022 par le département Arts Décoratifs du XXe siècle

 

"You'll stay up till this shines

Like the top of the Chrysler building"[1]

 

En 1903, René Lalique accomplit son premier voyage aux États-Unis et vend plusieurs bijoux au collectionneur et philanthrope Henri Walters (qui sont aujourd’hui conservés à la Walters Art Gallery de Baltimore). Quelques années plus tard, en 1912, le maître verrier participe à New York à la décoration du Coty Building au 712 Fifth Avenue, dont il orne deux étages de panneaux de verre à motifs floraux.

Ce chantier est la seule œuvre architecturale documentée de René Lalique aux États-Unis, qui n’est alors connu que de quelques amateurs.  Parmi ces derniers, le critique d’art Handon Thompson qui fait son éloge en 1914 : 

"Lalique a misé sur la beauté et la grâce de la forme et la transparence exquise du cristal [sic], sans recourir à tout autre moyen ou ornementation (…) essayons de retrouver la simplicité et la beauté qui devrait sous-tendre tous les objets d'utilité : dans des œuvres comme celle de Lalique, on trouve cela."[2]

Ce prime amour d’une partie de l’intelligencia New Yorkaise pour Lalique se confime durant les Années Folles lorsque le couturier français Lucien Lelong se lance dans la parfumerie de luxe et ouvre des boutiques à Chicago et New York en 1928 et 1929. Ayant déjà travaillé avec le verrier, le couturier fait à nouveau appel à René Lalique pour élaborer un flacon en verre soufflé-moulé émaillé pour sa collection "Manhattan". Sans doute sensible à l’esthétique Art Déco américaine, Lalique dessine alors un contenant dont la forme rappelle celle des nouveaux gratte-ciels américains. Prenant l’apparence d’une colonne à section carrée orné de festons, ce flacon n’est pas sans rappeler la silhouette du Chrysler Building.

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Un an plus tard, on retrouve cette silhouette iconique dans les rayons étagés de notre lustre "Vendôme".

Faut-il y voir un hommage de René Lalique au "rêve américain" lorsqu’il reprend la forme du Chrysler Building qui lors de son inauguration en 1930 est officiellement le plus haut bâtiment du monde ? Toujours est-il que devant ce lustre évoquant les gratte-ciels de Manhatan on pensera évidemment à la chanson "New-York New-York" popularisée par Frank Sinatra …. mais également tandis que la lumière du lustre "Vendôme" dessinera une skyline scintillante dans la pénombre que "c'est beau une ville la nuit"[3].

 


[1] ("Tu resteras éveillé jusqu'à ce que ça brille, comme le sommet du Chrysler Building") extrait de la chanson "It's the Hard Knock Life" du téléfilm musical Annie tel que réinterprété en 1999 par Walt Disney à partir de de la comédie musicale éponyme de 1977.

[2]  Traduit de l’anglais de l’article "The Glass of René Lalique" in The House Beautiful, mai 1914, page 186.

[3] suivant le titre de l’ouvrage publié par Richard Bohringer en 1988 aux éditions Denoël.

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