Pierre Bonnard est un peintre et graveur, né en 1867, à Fontenay-aux-Roses. Elève de l’Académie Jullian, où il connut Maurice Denis, Piot, Paul Ranson, Paul Sérusier et Edouard Vuillard. Il a été admis à l’Ecole des Beaux-Arts, mais n’y entra jamais. Le groupe amical de jeunes artistes qui se réunissait régulièrement dans l’atelier de l’un ou de l’autre avait accueilli, outre ceux qui sont cités ci-dessus, le peintre K. X. Roussel et le sculpteur Paul Lacombe. On leur attribua longtemps des tendances et des théories qui formaient le thème de leurs discussions intimes plutôt qu’un programme auquel ils s’astreignaient. On les réunit aux néo-mystiques sous l’étiquette de Néo-traditionnalistes, puis on les appela les Déformateurs, les Synthétistes, les Symbolistes, etc... Eux-mêmes s’intitulaient plaisamment les Nabis, comme des prophètes d’Israël.
En vérité de ce groupe amical les deux théoriciens les plus stricts étaient Paul Sérusier et Maurice Denis, ou du moins les plus portés à développer des théories strictes et à y asservir leur art. Les autres étaient plus curieux de nouveautés que de principe et de méthodes. Bonnard, lui, était d’un esprit étrangement éveillé à tous les phénomènes de la vie quotidienne, dont les ressources lui paraissaient inépuisables. Seulement il importait de se débarrasser du joug de la théorie alors en faveur sans retourner aux froideurs de l’académisme d’antan.
Gauguin théoricien subtil et convaincu d’un art décoratif et synthétique, avait révélé une voie nouvelle. Sérusier avait vécu avec lui à Pont-Aven et s’était fait son prophète. Ils connurent Odilon Redon qui les encouragea et les fortifia de sa confiance en eux et de son amitié. En même temps Bonnard avait étudié les procédés, les réalisations d’arabesques impromptues et vivaces des Japonais ; il goûtait fort Toulouse-Lautrec, l’âpreté de Degas ne lui déplaisait pas. Avec des moyens parfois gauches encore, mais toujours sensibles jusqu’au prodige, la prunelle alerte et en éveil, le coup de crayon subtil et rapide, il se découvrit promptement, il assura soudain sa personnalité aussitôt qu’il apparut dans les expositions publiques. Tout chez lui prend l’aspect de l’impromptu, ou plutôt est saisie avec prestesse sur le vif, mais n’en est pas moins, en réalité, le résultat d’un travail extrêmement patient et assez lent, très longuement réfléchi.