Émile Gallé né à Nancy le 4 mai 1846, au sein d’une famille protestante. Son père Charles Gallé tient un commerce de faïence et de verrerie et sa préceptrice lui apprend à lire dans le livre Les Fleurs animées.
Le jeune homme retirera ensuite de ses études au lycée des convictions humanistes et un amour profond pour la littérature et les herbiers qu’il récolte autour de Nancy, dans les Vosges, l'Alsace ou les Alpes. Il dessine aussi dès son plus jeune âge des animaux, des fleurs et des plantes, notamment pour servir de décors aux productions de son père. En 1865, il part pour l’Allemagne étudier la sculpture et le dessin tout en approfondissant ses connaissances sur la faune et la flore. Cette période le voit également réfléchir au devenir de l’affaire familiale, que sa position de fils unique le destine à reprendre. C’est en ce sens qu’il se fait embaucher en 1866 chez Burgun, Schwerer & Cie, à Meisenthal, où il étudie assidûment les techniques et la chimie du verre. Gallé retourne ensuite à l’entreprise familiale, devenant l’associé de son père qu’il représente à l'Exposition Universelle de 1867 à Paris où il obtient une mention honorable pour la verrerie.
Gallé à 24 ans quand éclate la guerre de 1870 qui aboutit après la défaite française à l’annexion par la Pusse des provinces d’Alsace et de Lorraine suite au Traité de Versailles du 1er mars 1871. Une blessure pour la France et pour le jeune artiste qui est séparé de ses amis de Meisenthal, désormais dans la zone d’occupation allemande. Gallé voyage alors, d’abord à Londres puis à Paris, visitant les musées où il admire notamment les émaux des verreries islamiques et les travaux de Philippe-Joseph Brocard et du japoniste Eugène Rousseau. De retour en France, il monte son propre atelier de verrerie et continue à s’investir dans l’affaire familiale dont il prend la direction en 1877. Là, Emile Gallé développe en premier lieu l’activité verrière suivant une logique simple et rationnelle : s’assurer une production commerciale assez rentable pour pouvoir en parallèle innover, rechercher, et créer des pièces uniques et artistiques. Ces premières pièces personnelles sont présentées en 1878 à l’Exposition de l’Union Centrale de Paris, dévoilant notamment la patriotique Croix de Lorraine et le Chardon Nancéien parmi leurs motifs décoratifs.
Par la suite, Gallé n’aura de cesse de développer son établissement, qu’il dote de nouveaux fours en 1884, d’ateliers modernes et bien aérés et de bureaux d’étude pour les nouveaux modèles avec pour les inspirer des parterres de fleurs qu’il plante lui-même. Le maître nancéien en effet étudiera la Nature toute sa vie , tant en scientifique qu’en artiste, suivant un intérêt passionné qui est aux fondements de son art et lui inspirera sa devise qu’il fait sculpter la porte de son atelier de Nancy : "Ma racine est au fond des bois" .
En 1885, Emile Gallé étend ses activités à l'ébénisterie, ce qui lui vaut de la part de son ami Roger Marx le surnom "homo triplex" car il travaille désormais la terre, le verre et le bois. Il installe dans son établissement un atelier dédié pour y développer marqueterie et sculpture sur bois, avec toujours cette recherche qui est celle de l’Art Nouveau : allier le beau à un marché relatif afin d’embellir tous les aspects de la vie quotidienne.
Son premier ensemble mobilier est présenté à l’Exposition Universelle de 1889 à Paris, une réussite couronnée par une médaille d’or ainsi que le Grand Prix (pour ses verreries).
Ce succès sera un moteur puissant et les années 1890 de Gallé sont d’une fertilité qui va crescendo.
Soutenu par de riches mécènes qui lui passent parfois de somptueuses commandes, Emile Gallé est également un entrepreneur à la tête d’une industrie d’art qui emploiera à son apogée près de 300 personnes. Afin de ne plus dépendre de Meisenthal pour la production de ses verreries, il ouvre sa propre cristallerie à Nancy, dont la mise à feu a lieu le 29 mai 1894. Cela lui permet de poursuivre ses recherches techniques et esthétiques sur le travail du verre, créant de nouveaux procédés de fabrication parmi lesquels deux brevets déposés en 1898 pour "un genre de décoration et patine sur cristal" et "un genre de marqueterie de verres et cristaux".
Engagé dans le renouvellement des arts décoratifs, Émile Gallé diffuse dans ses dépôts vente des pièces de série de qualité, l'industrialisation lui permettant de produire à moindre coût des objets destinés à une plus large clientèle. L’idée de Gallé - et de l’Art Nouveau - est que pour être "utile" l’Art doit pénétrer le quotidien afin d’éduquer toutes les couches sociales à la beauté : "j’ai voulu rendre l’art accessible, de façon à préparer un nombre moins restreint d’esprits à goûter les œuvres plus enveloppées. J’ai propagé le sentiment de la nature, celui de la grâce des fleurs, de la beauté des insectes. Je puis me présenter devant vous comme un vulgarisateur de l’art" .
Le maître nancéien conçoit également son rôle d’artiste en lien avec le monde, le beau encourageant une exigence morale qu’il incarne par ses nombreuses prises de position et engagements politiques.
Une démarche qu’il défend en avril 1898 en déclarant : "Aujourd’hui, il faut jeter les fleurs sous les pieds des barbares ! (…) Qu’importe la peine, qu’importe l’écrasement des pétales par milliers, si un de ces cœurs durs s’apitoie assez, un instant, à propos d’une rose jetée à terre, pour se baisser malgré la fatigue et le dégoût des choses tombées".
Il invente pour ce faire les meubles et le verre "parlant", qu’il couvre d’allégories mais aussi de citations afin de toucher également les couches de la population que la seule symbolique n’atteindrait pas. Gallé réalise ainsi plusieurs verreries en faveur du Capitaine Dreyfus , présentera à l’Exposition Universelle de 1889 une table "Le Rhin" qui revendique le retour à la France de l’Alsace-Lorraine et à celle de 1900 son extraordinaire "Amphore du roi Salomon" qui fait blêmir la presse antisémite. L’artiste use également de cette approche sur des pièces artistiques et symboliques comme ses vases "de Tristesse" (qui transcendent la peine causée par le décès de sa mère en 1881) ou son remarquable vase "Pasteur" de 1893.
Fort d’une décennie de recherches et d’innovations, l’Art de Gallé culmine lors de l’Exposition Universelle de 1900. Il y expose un nouvel ensemble mobilier, au répertoire essentiellement végétal, d’une plus grande finesse d’exécution et aux silhouettes plus "légères" que celui de 1989. L’artiste ne concourt alors plus en céramique, mettant l’accent sur le verre en présentant même un four au milieu de son stand pour éduquer les visiteurs sur la fabrication des pièces. Il repart de l’Exposition avec deux grands prix et une médaille d'or … mais également des craintes quant au "danger qu’il y aurait pour nos ateliers lorrains à rester sans liens, en présence du relèvement universel des industries d’art" . C’est en ce sens qu’il créé l’Alliance Provinciale des industries d’Art le 13 février 1901, dont il devient le premier Président. Également dénommée Ecole de Nancy, l’Alliance s’apparente à un syndicat des industries d’art et des artistes décorateurs qui vise à protéger et accroître leur production en mutualisant certaines initiatives.
Émile Gallé meurt le 23 septembre 1904 des suites d'une maladie apparue lors de l'Exposition Universelle de 1900. Symbolique, visuelle et visionnaire, son œuvre et sa vie participent des jalons de l’histoire des Arts Décoratifs en ce qu’ils portent cette conviction : "voir, c’est savoir ; regarder, c’est comprendre" .
Sa veuve Henriette Gallé et son gendre Paul Perdrizet reprennent l'activité de la verrerie qui devient la société anonyme des Établissements Gallé. Ils produisent jusqu’en 1914 des verreries multicouche reprises de dessins et modèles existant, puis de 1918 jusqu’à l’arrêt définitif en 1936 une production standardisée à grande échelle, avec création de nouveaux modèles et de la technique du verre soufflé-moulé .