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Emile DECŒUR- 1876-1953

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"Celui qui sait sentir par l’œil éprouve, à contempler les choses et les êtres, la même jouissance aigüe, raffinée et profonde que l’homme à l’oreille délicate et nerveuse dont la musique ravage le cœur."[1]

 

Né à Paris le 27 avril 1876, le jeune Emile Decœur perd ses parents à l’âge de 13 ans. Sa chance sera de trouver à l’âge de 14 ans une place d’apprenti chez Edmond Lachenal, qui lui dispensera une solide formation et participera à en faire un des plus grands céramistes français.  Persuadé que l’art de la céramique repose sur l’unité profonde du décor et de la matière, Decœur abandonne vite la faïence – apprise de Lachenal - pour le grès. L’Art Nouveau alors en pleine essor renouvelle les formes et techniques de la céramique. Au sein de cette dynamique, Decœur s’inscrira dans la tendance d’un vocabulaire esthétique sobre et reposant essentiellement sur la qualité des émaux et de la matière. Il suit également en cela l’engouement autour des grès japonais découverts en France aux Expositions universelles de Paris en 1867 et 1878. 

En 1900, Emile Decœur - alors âgé de 24 ans - commence à prendre son indépendance et à exposer seul, affirmant dès ses débuts un style personnel empreint d’équilibre et de sobriété. En 1904 et pour quelques années, il s’installe avec le céramiste Fernand Rumèbe dans un atelier parisien à Auteuil. Puis, en 1907, Decœur fait construire un four à Fontenay-aux-Roses, dans la banlieue Sud de Paris, et y installe son atelier. La même année, il rencontre celui qui deviendra son principal mécène et collectionneur : l’américain Atherton Curtis, dont le soutien financier permettra à Emile Decœur de laisser parler sa créativité en toute quiétude. Un soutien qui sera complété par celui du marchand et éditeur d’art Georges Rouard.

Bien qu’influencé par le contexte artistique de son époque, Emile Decœur aborde le travail du grès de manière éminemment personnelle, pour "son originelle et rude beauté"[2] que transcende la cuisson à très haute température qu’autorise la matière. Il explore sans cesse. Salué par la critique dès ses premières expositions au Salon des Artistes Français, Decœur entre également très tôt dans les collections nationale, l’Etat lui achetant deux pièces (initiant ainsi une politique d’achats réguliers des œuvres de l’artiste qui durera jusqu’aux années 30).

Son œuvre fascine pour "sa matière si belle, si pleine"[3]. Dans les années 1910, ses relations avec Georges Rouard s’intensifient, ce dernier faisant du céramiste un de ses artistes phares tandis que la maison Rouard sera un des principaux dépositaires de Decœur tout au long de sa vie. Désormais intégré au groupe des Artisans français contemporains, Emile Decœur nourrira son art d’échanges d’influences avec d’autres céramistes, notamment Emile Lenoble avec qui il partage une tendance à l’effacement du décor au profit des seuls effets de matière.

Ecarté de la scène parisienne par la première Guerre Mondiale durant laquelle il est mobilisé, Emile Decœur n’y revient qu’en 1916. L’Etat lui achète une nouvelle pièce en 1918, réaffirmant ainsi son soutien à l’artiste. L’année suivante, en 1919, Decœur accepte l’invitation d’Emile Lenoble à intégrer la section d’art décoratif de son Nouveau Groupe. Il termine d’y affirmer son style et de s’imposer en une figure incontournable des arts du feu tandis que de nombreux articles de presse lui sont dédiés ainsi qu’un ouvrage en 1923[4]. En 1922, le Musée des Arts Décoratifs de Paris lui consacre une exposition de près de 300 pièces : une véritable rétrospective publique.

Ensuite et lors de l’Exposition des Arts Décoratifs de 1925, Decœur participe comme juré et exposant, contribuant ainsi à assurer à la céramique une place de choix dans la vie moderne. Le style de l’artiste participe en effet pleinement d’un courant de l’Art Déco qui va vers l’épure et où la couverte se fait subtil pour mieux souligner les volumes qu’elle habille. La redécouverte de la céramique extrême orientale et notamment chinoise dans les années 20 renforce encore cette tendance, jusque dans l’idée que la céramique est une activité autant intellectuelle que pratique.

En 1927, Decœur met au point une nouvelle pâte, à mi-chemin du grès et de la porcelaine en mélangeant du kaolin à la pâte de grès afin de concilier la finesse du grain de la porcelaine et le caractère ductile du grès. Cette découverte marque le début d’une production encore plus délicate que les précédentes et où l’artiste atteint sa pleine maturité, celle d’"un art pur, un art nu"[5]. Le décor chez Decœur disparait presque complètement tandis que la beauté du vase repose sur la seule qualité de la matière et la perfection formelle en découlant.

Radicale dans son approche de l’art céramiste, Emile Decœur reste pour autant présent sur la scène artistique, participant aux expositions officielles nationales (Salon d’Automne de 1932 et 1937) autant qu’à des évènements privés (Salon de la Société des Artistes Décorateurs de 1934, par exemple). Son statut de maître de la céramique sera finalement "officiel" en 1942 avec sa nomination au poste de conseiller artistique de la Manufacture Nationale de Sèvres qui inscrit son travail dans une forme de postérité. Cette période coïncide avec les années d’Occupation et l’arrêt total de l’activité personnelle de Decœur (par laquelle il justifiera les refus opposés aux Allemands de travailler pour eux). Après avoir rallumé ses fours en 1945, Decœur reprends avec bonheur ses travaux et ses recherches. Il a alors 69 ans, et son feu intérieur persiste jusqu’en 1953 où l’artiste s’éteint à l’âge de 77 ans.

Empreinte de rationalité dans sa démarche faite d’expériences sans cesse renouvelées et obsessionnellement étudiées, l’œuvre laissée par Decœur n’en est pas moins sensible et sensuelle tant ses émaux délicatement superposés racontent encore et toujours l’amour d’un maître du feu pour son art.


[1] Extrait des carnets d’Emile Decoeur cité par René Moutard-Uldry, "Hommage à un grand artiste : Decoeur", Art et Décoration, 1953

[2] Guillaume Janneau in "Emile Decoeur, céramiste", Paris, La Connaissance, 1923, page 19

[3] G.R Sandoz et L. Clarétie, Exposition Universelle et Internationale de Bruxelles (1910), rapport général de la section française, Paris, Comité des expositions à l’étranger, 1921, page 16

[4] "Emile Decoeur, céramiste", écrit par Guillaume Janneau qui sera le futur directeur de la Manufacture des Gobelins, du Mobilier National puis de la Manufacture de Sèvres.

[5] Ernest Tisserand in "Emile Decoeur", l’Art et les Artistes, mars 1933, page 206.

 

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